Les formations certifiantes proposées par la FORDIF se structurent autour de projets professionnels concrets, que les participants, tout au long de leur parcours, planifient et mettent en oeuvre au sein de leur établissement ou au sein de leur cadre professionnel.
Sur cette page, Pierre Amstutz nous présente le projet mené à l’Ecole d’Horlogerie de Genève.
Pierre Amstutz est Directeur de l’Ecole d’Horlogerie de Genève. Il a travaillé dans différentes entreprises du secteur horloger avant de devenir enseignant puis directeur en septembre 2009.
Il a suivi le CAS en 2012-13 et est certifié en administration et gestion d’institutions de formation depuis cette date.
L’école d’horlogerie de Genève offre des formations professionnelles initiales, de niveau secondaire 2 dans les domaines de l’horlogerie, de la micromécanique et de la microtechnique.
Ces filières de formation permettent d’obtenir une attestation fédérale (AFP) en deux ans, un certificat fédéral de capacité (CFC) en trois ou quatre ans ou encore un diplôme de technicien (ES) en 6 ans. De plus, l’école accueille également des étudiants en provenance des HES (Bachelor et Master) qui viennent suivre des cours spécialisés. L’établissement compte plus de 260 élèves encadrés par 34 enseignant-e-s (plein temps ou temps partiel) qui dispensent des cours théoriques et pratiques.
Le projet consistait à réorganiser les enseignements de l’Ecole d’Horlogerie en les finalisant sur la réalisation d’une Montre-école que l’apprenti-technicien puisse monter et assembler durant ses trois années de formation. Ce concept de Montre-Ecole devient alors structurant pour les enseignements en permettant le réinvestissement des techniques de l’horlogerie sur un objet concret qui devient du même coup le « fil-rouge » de la formation. De plus, la Montre réalisée porte en elle la marque des compétences maîtrisées par l’étudiant-e.
Pour réaliser un tel projet, les conditions à rassembler étaient nombreuses. Il fallait :
- Réorganiser le plan d’études pour qu’il puisse accompagner la réalisation de la montre
- Clarifier les procédures techniques d’assemblage et de montage
- Expliciter les savoir-faire techniques pour les rendre transmissibles et les pérenniser
- Comparer les différentes procédures enseignées et décider collectivement d’une procédure « de référence »
- Se doter d’un langage technique commun pour réaliser ces documents d’appui à l’enseignement
- Favoriser l’échange et la collaboration entre les enseignants.
- Associer l’ensemble des enseignants à cette démarche collective.
- Développer un partenariat pour soutenir le projet
Le concept de Montre-Ecole existait déjà dans l’historique de l’institution, mais il avait dû être abandonné : au début des années 2000, l’Ecole d’Horlogerie de Genève se trouvait en effet confrontée à la difficulté de s’approvisionner en fournitures et composants horlogers. Elle doit arrêter la fabrication de sa Montre-école. Afin de renouer avec cette tradition, il s’avérait nécessaire de concevoir un nouveau mouvement. Restaient posés les problèmes des délais de livraison imposés par l’industrie et le coût élevé des fournitures.
C’est alors qu’est formulée l’idée d’un partenariat avec une entreprise horlogère. Ce partenariat est fondé sur le projet de modernisation du calibre-école utilisé depuis 1956. Ce nouveau mouvement est développé et amélioré conjointement par les enseignants de l’établissement et la Manufacture Chopard. Il voit le jour en 2010.
L’ensemble du plan d’études a été modifié, puisqu’il n’est plus présenté par branches, mais par compétences. Pour chacune des compétences, il a fallu déterminer, planifier et coordonner l’ensemble des cours et des supports de cours. Ce travail a rendu plus facile l’application des nouvelles ordonnances des formations horlogères qui sont entrées en vigueur à la rentrée 2015.
Face aux importantes modifications engendrées par la réalisation de ce nouveau plan de formation, il a donc fallu réorganiser l’ensemble des procédures, tant pour la fabrication assurée par les élèves de la filière micromécanique que pour la finition dévolue aux filières horlogères. Les enseignants se sont réunis afin de passer des connaissances tacites aux connaissances explicites (Nonaka, & Takeuchi, 1997). Pour traduire ces savoirs pratiques et tacites, une démarche complète de représentation graphique est adoptée (Berger & Guillard, 2000). Elle a abouti à la création d’un classeur qui est mis à la disposition des étudiants. Les cartes de procédures sont revues chaque année.
La prochaine étape consistera à numériser ces cartes graphiques et à compléter ces supports par des outils de visualisation en 3D (fonctionnement de la pièce, déplacement de perspective, situation de la pièce dans le mécanisme) de manière à favoriser des apprentissages systémiques.
Il a fallu initier des réunions d’équipes qui permettent la concertation et la mise en commun des représentations graphiques des procédures. Une salle a été aménagée pour permettre l’organisation de ces séances de travail. Initialement appelée salle Marco-Polo, elle a pris le nom générique de salle de Projets en raison des différents projets qui s’y sont succédés depuis. Actuellement, l’équipe travaille à une clarification des procédures administratives.
La réalisation d’une montre, entièrement manufacturée à l’école durant le cursus de formation d’un élève, est un atout pédagogique important. Les élèves découvrent pas à pas les composants et les fonctions d’une montre en façonnant chacune des pièces. La réalisation d’une montre unique, qui reste en leur possession et qui atteste également la fin de leur formation, représente pour les élèves une grande source de motivation. Actuellement, ils sont 57,3% à terminer leur Montre-école en 3 ou 4 ans. La cible à moyen terme serait d’atteindre les 80%.
Par ailleurs, le projet « Marco Polo » a été déclencheur de nouvelles modalités de collaboration et de partenariat nécessitant une réflexion et une vision commune. Il existe à présent une meilleure concertation entre les enseignants, tant au niveau de la planification des objets d’études que de la cohérence au niveau des pratiques pédagogiques et des évaluations des élèves. Dans ce prolongement, l’équipe pédagogique travaille actuellement sur les valeurs professionnelles de base qui doivent être transmises et à une possible évaluation de ces aptitudes éthiques.
Il aurait fallu porter une attention toute particulière aux cinq principes clés du changement énoncés par M. Gather Thurler (INT, 2012) : chaque personne réagit différemment face au changement. Chacun de nous a des besoins élémentaires qui demandent à être satisfaits. La plupart des changements impliquent un sentiment de perte, d’où l’importance d’une gestion réaliste des attentes. Il est important de prendre en compte les peurs. Le facteur temps, également, est une dimension souvent sous-estimée dans la conduite du changement.